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Dans son livre "Vols de merde, les pires histoires de l'aviation civile", le journaliste François Nénin a compilé des histoires incroyables et pourtant vraies qui se sont déroulées à bord d'un avion. Interview de celui qui refuse aujourd'hui d'embarquer à bord d'un appareil …

Planet.fr : Pourquoi avez-vous choisi d’écrire sur ce sujet ?

François Nénin* : "J’ai travaillé pendant environ dix ans comme journaliste-enquêteur dans le domaine de l’aérien. J’ai écrit un premier livre pour dénoncer les pratiques dangereuses de certaines compagnies aériennes. Le ton était alors sérieux. Et puis un jour je me suis rendu compte que les médias ne traitaient les infos relatives aux avions qu’à travers le prisme de l’émotion, en cas de crash. Pourtant, la plupart du temps des informations clés sont dévoilées en amont sans que cela ne les intéresse. Je pense par exemple au crash du vol AirAsia en 2014. L’avion a plongé après que le commandant de bord a déconnecté les fusibles de Georges, le pilote automatique. Une vingtaine de bugs avait pourtant été détectée en amont sur cet outil et un rapport avait été dévoilé. Mais rien n’avait été fait ni dénoncé et l’avion continuait de voler !

Aussi j’ai eu envie de raconter ces anecdotes tantôt drôles, tantôt inquiétantes, sur un ton un peu plus léger. Mais l’idée reste la même : dénoncer les pratiques de certaines compagnies, et aussi celles des passagers et du personnel navigant.

Planet.fr : Dans ce livre, vous revenez sur plusieurs anecdotes drôles…

François Nénin : D’une manière général, je suis sidéré par le niveau de débilité de certains passagers. Prenez cet homme qui, en 2014, s’est fait arrêter par des douaniers cubains en zone d’embarquement alors qu’il avait caché 66 petits oiseaux dans son pantalon. Les animaux étaient certes endormis mais, comment a-t-il pu penser qu’il réussirait à embarquer avec l’allure si suspecte que lui donnait son ‘chargement clandestin’ ?

Le personnel navigant n’est pas en reste : un jour une hôtesse de l’air qui s’était assoupie dans la cabine de repos est précipitamment revenue devant les passagers… sans le bas de son uniforme, en string et en bas ! Elle s’était déshabillée pour être plus à l’aise pendant sa sieste …

Planet.fr : Certaines histoires que vous racontez sont également inquiétantes…

François Nénin : En creux dans mon livre, j’essaie de montrer que la réalité de l’aviation civile rime avec déqualification et baisse du niveau de formation de pilotes. Aujourd’hui, les appareils sont ultra-informatisés et beaucoup de pilotes se reposent sur Georges. Mais si le calculateur électronique tombe en panne, ce qui peux arriver, peu sont capables de revenir à un pilotage entièrement manuel. Et c’est dramatique. Si l’on reprend l’exemple du crash d’AirAsia il y a deux, ce qu’a fait le commandant de bord est une procédure qui n’existe pas. Son geste en dit long sur sa culture aéronautique… On m’a aussi rapporté l’histoire de deux pilotes qui ont décidé d’aller faire la sieste au même moment. Tous les deux sont ainsi sortis du cockpit en demandant à deux hôtesses de bien vouloir s’y installer et de ‘surveiller’ les commandes…

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Outre le niveau de formation de leurs pilotes qui laisse à désirer, certaines compagnies aériennes prennent aussi des risques pour décrocher de nouveaux contrats et s’assurer un rendement permanent. En 2002, un commandant de bord qui effectuait un vol entre Zurich (Suisse) et Prestina (Kosovo) a ainsi découvert qu’il transportait 196 passagers au lieu de 172. La compagnie, que je surnomme ‘la bétaillère humaine’, l’avait sciemment dupé en lui interdisant d’aller voir les passagers dans la cabine et en lui disant que 24 bébés voyageaient à bord sur les genoux de leurs parents. C’était en réalité des adultes qui s’entassaient à quatre sur des rangées de trois, et donc sans ceinture de sécurité !

Par ailleurs, l’année dernière, une hôtesse de l’air d’une compagnie aérienne du Golfe a été surprise en pleins ébats avec un passager dans les toilettes d’un avion. Elle a ensuite expliqué qu’elle se prostituait à bord depuis deux ans et que le prix de la passe était de 2 000 euros.

Planet.fr : On entend peu ce genre d’histoires. Cela illustre-t-il la présence de certains tabous dans l’aviation civile ?

François Nénin : Oui, il y en a surtout 2 principaux : la peur chez les navigants et l’addiction aux drogues et à l’alcool. Dans le premier cas, j’ai noté que le personnel navigant ne reconnaît jamais qu’il a peur. Quand un crash survient, il y a pourtant beaucoup d’arrêts maladie, mais jamais pour ce motif car il trouve des parades. C’était notamment le cas en 2009 au moment du crash du vol Air France reliant Rio à Paris. A cette époque-là, des scènes de panique ont même éclaté à bord de certains avions.

L’autre tabou concerne les addictions des membres d’équipage. Souvent, et contrairement aux apparences, ce sont des personnes très seules et qui ratent beaucoup d’évènements importants comme les Noël et les anniversaires à cause de leur rythme de travail intense et du décalage horaire. Alors souvent, pour tenir, certains prennent des drogues ou se saoulent. Mais là encore, personne ne veut l’admettre.

Planet.fr : Comment réagissez-vous en tant que passager ? Etes-vous à l’affût de tout ce qui pourrait se passer à bord ?

François Nénin : Je ne voyage plus en avion ! Toutes ces histoires que j’ai vécues ou entendues m’ont refroidi, surtout celles concernant les pilotes. Ces derniers disent souvent qu’ils travaillent dans ‘le plus beau bureau de la Terre’, mais ils semblent oublier le fait qu’ils volent à une très haute altitude, très vite et avec des passagers. Ce sont souvent des personnes qui ont une très haute estime d’elles-mêmes, qui se croient toutes-puissantes. On dit d’ailleurs qu’elles souffrent du syndrome ‘can do it’ (‘je peux le faire’). U n rapport interne avait même pointé la surconfiance des pilotes d'Air France, et aujourd'hui on  se moque d'eux en disant que ce sont les meilleurs du monde et qu’ils ont appris à voler aux oiseaux !"

*François Nénin est l’auteur de Vols de merde, les pires histoires de l’aviation (éd. Mazarine).