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Un journaliste a infiltré en caméra cachée une cellule de djihadistes français pendant six mois entre Paris et Châteauroux. Des images rares qui montrent à quel point ces hommes sont déterminés à tuer un maximum de Français.

"Je suis musulman, de la même génération des tueurs du Bataclan, je crois en Dieu, je prie parfois, mais il m’arrive de boire des coups le soir aux terrasses des cafés. Je suis celui que les hommes de Daech détestent le plus." Ainsi commence le reportage "Soldats d’Allah", diffusé lundi soir sur Canal + (crypté).

Dès les premiers moments, on comprend que les images qui vont être diffusées seront exceptionnelles. "Je suis musulman et journaliste, je peux aller là où mes confrères ne pourront jamais mettre les pieds", explique ainsi le reporter qui a infiltré pendant six mois des cellules de djihadistes à Paris et Châteauroux, pour savoir "ce qu’ils avaient vraiment dans la tête". "Je leur en veux d’avoir perverti l’islam tranquille de mon père", admet-il également.

Partisans de Daech et salafistes se détesteraient

Le moins qu’on puisse dire, c’est que le journaliste n’a pas été déçu en allant à leur rencontre. Des rencontres qui ont débuté sur Facebook, mais pas dans les mosquées salafistes, où le journaliste n’a pas trouvé de potentiels djihadistes malgré des semaines de prospection. Avant d’aller infiltrer des cellules djihadistes, le journaliste a pris soin de retenir leur jargon franco-arabe ; sans cela, il se serait fait repérer très vite.

Premier constat pour le reporter : les partisans de Daech et les salafistes se détestent. Les premiers accusant les seconds de pratiquer "un islam modéré", les seconds accusant les premiers d’être des hérétiques, qui décident à la place de Dieu qui doit mourir ou non.

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"Viens, on va au paradis frère, tu rejoindras tes femmes"

Lors de son immersion, le journaliste rencontre une bande de jeunes qui lui explique qu’un attentat est possible contre des avions qui passent à très basse altitude pour se poser sur l’aéroport du Bourget, près de Paris. "Avec un petit lance-roquette, tu peux en avoir un bien comme il faut", lui annonce un homme "fiché S".

A Châteauroux, le journaliste infiltré rencontrera plusieurs fois près d’une église un djihadiste passé par la case prison. Dans sa voiture, des chants de Daech à plein volume, dans son téléphone portable, des images de propagande de l’Etat islamique. Puis, au détour d’une rencontre, le djihadiste lui dit : "Frère, je vais faire un truc de fou là. Je vais me jeter sur les mécréants. Je veux les tuer, je veux mourir après (…) Que je puisse effrayer ces ennemis, ces chiens, ces animaux (…) Leur mettre la peur dans le cœur." "Je veux voir des Français mourir par milliers", ajoute-t-il.

Puis, l’homme explique qu’en mourant en martyr, il ira au paradis avec le "sourire" d’Allah. "Viens, on va au paradis frère, lance-t-il au journaliste infiltré… tu rejoindras tes femmes au paradis frère. Elles seront en train de t’attendre (…) Tu regardes au loin, tu verras un immense palais tel que tu ne peux pas voir les extrémités et il t’appartiendra. Tu verras des anges qui seront tes serviteurs, tu auras des femmes qui ne voudront que toi. Tu auras ton cheval à côté de toi qui sera fait d’or et de rubis, il aura des ailes. Tu iras où tu veux…"

Quand les enquêteurs utilisent Google Translate pour traduire l’arabe…

Dans sa chambre, l’aspirant djihadiste était en train de former une cellule terroriste via les réseaux sociaux, sans que son père, jusqu’à côté, n’en sache rien. Sur Internet, les djihadistes en herbe discutent sur la plateforme de discussion Telegram, qui permet de rester anonyme et de passer sous les radars des services de renseignements. Dans leurs discussions, une chose revient incessamment : la quête du paradis, et les femmes qui les y attendraient.

Au centre de cybercriminalité de la gendarmerie, il n’y a pas d’arabophone. Alors les gendarmes utilisent les moyens du bord pour traduire les conversations sur Internet, comme Google Translate, l’outil de traduction (approximatif) du moteur de recherche… De plus, le responsable du service explique que le réseau Telegram est totalement impénétrable.

Une faille qui permet aux djihadistes, comme ceux qu’a rencontrés le journaliste infiltré, de former des cellules terroristes et de fomenter des attaques en France. Finalement, les individus dans le reportage qui voulaient s’attaquer à une base militaire ou à des journalistes ont été arrêtés en décembre 2015 avant de passer à l’acte : ils étaient pistés et écoutés par les services secrets depuis longtemps.