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Dans une récente interview, l'ancienne garde des Sceaux s'en prend au patron des LR, qui aurait voulu l'évincer des élections européennes de 2019.
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Une dispute autour des élections européennes

Après avoir fait savoir le mois dernier qu’elle était "prête à mener le combat" des élections municipales de 2020, Rachida Dati s’est de nouveau exprimée récemment. A l’occasion d’une interview donnée au Journal du Dimanche, l’ancienne garde des sceaux aurait d’ailleurs gentiment étrillé le patron des Républicains (LR), Laurent Wauquiez. Motif : les élections européennes de 2019. Laurent Wauquiez aurait souhaité l’en évincer. Et si, de son côté, Rachida Dati assure chez France Info que la droite de gouvernement est unie et s’entend bien, certains membres du partis ne semblent pas partager cet avis. Faire de la maire du 7ème arrondissement une tête de liste aux européennes ne serait "évidemment jamais passé par le cerveau de Wauquiez", assure un responsable LR anonyme, dont les propos sont rapportés par Closer. Il y voit une "manigance de la députée européenne". "Elle lui démontre ainsi son pouvoir de nuisance : elle lui montre qu’elle est sans limites et capable de raconter n’importe quoi, y compris sur lui".

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Raul Magni-Berton, politologue et enseignant-chercheur de sciences politique à l’I EP (Sciences Po) Grenoble, y voit la "mise-en-scène d’un conflit" dans lequel l’élue parisienne n’a rien à perdre. "La politique française est structurée d'une telle façon que tout tourne autour des élections nationales. Cela implique que le temps politique est coupé en deux partie. Au début du mandat et vers sa fin, les comportements changent drastiquement", indique-t-il. Selon lui c’est "d’autant plus vrai pour les partis qui, comme Les Républicains, ont essuyé une défaite à la présidentielle". "Dans un premier temps, les acteurs politiques testent la force de leurs adversaires potentiels. Ensuite, quand vient la fin du mandat, tout le monde se réunit pour faire front commun", analyse le chercheur. Il poursuit. "Pour le moment, nous sommes dans cette première phase. Rachida Dati a tout à gagner à tester les forces de Laurent Wauquiez, d’autant plus qu’elle n’attaque pas particulièrement fort."

Gagner en visibilité et tester la force des concurrents à peu de frais

Outre un gain en visibilité, pour elle comme pour son parti, l’initiative de l’ancienne ministre de François Fillon lui permet aussi de faire savoir qu’elle est désirée. "En dévoilant les propositions qui lui sont faites, et c’est probablement ça qui est perçu comme une attaque puisque cela ne se fait généralement pas, Rachida Dati met en avant le fait que son expertise est valorisée. Ce n’est pas anodin. Elle montre qu’elle pèse dans la vie politique de son parti", estime l’enseignant, pour qui, cependant, Rachida Dati "n’a pas outrepassé les règles de ce qui se fait dans ce genre de cadre". "En théorie, oui, le parti perd à s’afficher comme divisé. Si Rachida Dati est identifiée comme la source de ces divisions, cela pourrait lui retomber dessus. En pratique, du fait du peu de risques qu’elle prend et de la période à laquelle elle agit de la sorte, il y a très peu de chances que cela soit significatif", conclut Raul Magni-Berton.

Et qu’en est-il pour Laurent Wauquiez ? Un conflit ouvert lui serait-il défavorable ? "Il n’a, a priori, pas réagi. Il est d’ailleurs peu probable qu’il le fasse. Il n’a pas d’intérêt particulier à entrer dans le jeu de conflits de bienséance où chacun bluff. Dans ce genre de situations, le chef se débrouille pour ne pas intervenir directement, ce serait le risque de se griller", répond le politologue. "C’est une stratégie courante, très régulière même. Après chaque défaite électorale majeure, les partis apparaissent divisés, parfois au point qu’on les pense enterrés. En pratique ça n’arrive pas, et ces conflits mis-en-scène permettent de remobiliser la base militante, qui sert d’arbitre, bien que les partis s’en soient globalement détachés ces dernières années. C’est quelque chose qui fait parti du jeu politique traditionnel", juge l’enseignant-chercheur.