Emmanuel Macron et l'équipe française de Football en lice pour le mondial de 2018 - ClairefontaineAFP
Joies, espoir, véritables déceptions, coup de sang... Pour ce qui est d'aimer le football, les présidents sont souvent des Français comme les autres. Les récupérations et manipulations politiques en plus !
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Président de la République et Bleus : des relations passionnées ?

Ils sont nombreux, dans l’histoire récente, à partager l’amour du ballon rond. Les présidents de la République française semblent nourrir une passion dévorante pour le football… Ou au moins pour ses enjeux politiques.

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Ce ne fut pas le cas pour tous, cela étant. "Le sport, et tout spécialement le football a été pensé et perçu comme un enjeu politique assez tardivement. C’est à partir de 1998 qu’il prend toute la dimension qu’on lui connait aujourd’hui", explique Carole Gomez, chercheuse à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) spécialisée dans la géopolitique du sport. "Le général de Gaulle ne prêtait pas d’intérêt particulier au sport ou au football. Il était assez en colère, cependant, des résultats des atlhètes français lors des Jeux olympiques de 1960. Pompidou non plus n’avait pas de passion particulière pour le sport. C’est véritablement avec Jacques Chirac que tout a démarré", estime la chercheuse.

La victoire de la France en 1998 aurait mis l’importance du sport, du football et des Bleus suffisament en avant pour que depuis, plus aucun politique ne doute réellement de la portée politique d’évènements aussi importants qu’un mondial, indique la chercheuse. "Avant 1998, les dirigeants français ne savaient pas nécessairement ce qu’ils seraient en mesure de retirer de tels événements. Passé la victoire de la France au mondial de football, c’est devenu très clair", assure Carole Gomez.

Jacques Chirac, le précurseur ?

Loin d’être un grand amoureux de football à l’origine, Jacques Chirac peine même à prononcer les noms des joueurs français qui viennent pourtant d’être courronnés champions du Monde, comme le rappelle France Culture. Toutefois, même s’il préférait le sumo, son image est indéniablement associée au football dans l’esprit d’un nombre considérable de Français.

Ce n’est pas un hasard : c’est pendant l’exercice de son mandat que les Bleus ont été sacrés champions. A cet égard, il est précurseur dans l’utilisation du football en politique. "Dans le cas de Jacques Chirac, c’est un peu l’occasion qui fait le larron. Il n’aimait pas spécialement le football, mais il a vu ce que celui-ci pouvait lui apporter : une tribune politique avec un très fort écho auprès de la population. Dans son cas à lui, elle est d’autant plus clef que tout cela se produit pendant la cohabitation avec Lionel Jospin. A ce moment Jacques Chirac profite du football pour s’exprimer et renforcer son image de leader présidentiel, ce que ne peut pas faire son Premier ministre", analyse Carole Gomez.

La victoire de 98 c’est aussi l’ouverture d’une séquence particulière, qui fait l’appologie d’une France particulière, comme le souligne France Culture. C’est celle de la France black-blanc-beur, du vivre-ensemble. A partir de ce moment là, estime la radio publique, l’équipe de France devient "presque une annexe de l’Elysée". Elle sert de réceptacle à de multiples discours politiques. Jean-Marie Le Pen s’étonnait notamment de la composition de l’équipe. "Je trouve que c'est tout de même un peu artificiel de faire venir des joueurs de l'étranger ; et de les baptiser l'équipe de France'", expliquait-il.

Nicolas Sarkozy, le mordu ?

"Il n’a rien eu à forcer : il est véritablement passionné par le football", commence Carole Gomez, de l’IRIS. Selon elle, Nicolas Sarkozy n’a pas eu à faire semblant de s’intéresser au ballon rond comme son prédécesseur. Il était d’ailleurs présent en Russie pour l’ouverture de la coupe du monde, en 2018. D’après Le Point, il aurait "souvent mêlé football et politique au cours de son mandat", comme lorsqu’il avait rencontré le sélectionneur de l’époque, Raymond Domenech. Il s’était également entretenu avec Thierry Henry, une décision controversée… A la fois en raison du ton de leur échange et parce qu’il a fallu annuler un rendez-vous avec des ONG en préparation du G8, rappelle Europe 1.

Toutefois le mondial de 2010, survenu pendant son mandat, lui aurait laissé un goût amer. Et pour cause : c’est à cette époque que l’équipe de France avait décidé de mener une grève, jugée inacceptable par le président. A l’époque, ministre des Sports, Roselyne Bachelot avait taclé des "caïds immatures" qui projetaient une "image de la France ternie". "Des compétitions aussi importantes que le mondial constituent une caisse de résonnance, notamment à l’international. Nos hommes politiques ont une utilisation assez pragmatique du sport, qui dépend aussi en grande partie de la temporalité politique et sportive. C’est pour ça qu’en 2010, une partie considérable de nos politiques était vent debout contre les Bleus quand, en 2006, ils étaient tous fiers de cette équipe", analyse la chercheuse à l’IRIS en géopolitique du sport. Une façon d’"indexer sa popularité sur celle de l’équipe française", estime France Culture.

François Hollande et ses petites phrases

"Ce soir, il y a une victoire, celle de l’Equipe de France, des joueurs et de l’entraîneur. C’est important l’entraîneur !", lâche François Hollande, en novembre 2013. La France vient de gagner contre l'Ukraine et de se qualifier à la coupe du monde de 2014. Dans le contexte politique et économique que connaît François Hollande à l'époque, difficile de ne pas voir une défense de sa fonction et de son bilan maquillée. Une sortie que relèvent d'ailleurs plusieurs acteurs de la vie politique, de Geoffroy Didier au Nouvel Obs.

Récemment encore, l'ancien président de la République n'a pas hésité à se comparer subtilement à Zinedine Zidane. Il a en effet salué le départ de la légende du football du Real Madrid, estimant  que "c'est mieux de partir au firmament", comme le rapporte le Huffington Post. Là encore, difficile de ne pas y voir une référence personnelle.

En soi, il n'y a pas de grosse surprise à ce que François Hollande utilise le football comme instrument de communication. D'abord parce que depuis sa jeunesse il nourrit une admiration importante pour ce sport. Enfant, il a même rêvé de devenir avant-centre des Bleus. Lui non plus n'a rien eu à forcer. Mais surtout, c'est l'occasion idéale pour parler de politique sans en avoir l'air. "En théorie, le football constitue une tribune apolitique. Les acteurs politiques peuvent donc l'utiliser pour parler de leur action politique sans être, en théorie encore une fois, taxés de mettre en avant leur bilan. Sans oublier que la dimension universelle de cette tribune permet de toucher un public beaucoup plus large, parmi lesquels des gens qui n'auraient initialement pas écouté ou été sensibles au message", souligne Carole Gomez.

Emmanuel Macron, en quête d'unité ?

Comme Nicolas Sarkozy et François Hollande, Emmanuel Macron est lui aussi un grand amoureux du ballon rond. Supporter assumé de l'Olympique de Marseille, le président de la République a joué au football en tant qu'arrière-gauche, pendant sa jeunesse. De son propre aveux, il était "teigneux mais peu technique" comme le rapporte RTL. Pendant la coupe du monde de 1998, il avait 20 ans. Et il a un souvenir très clair du dernier match. "J'ai vibré à chaque match de l'équipe de France. (...)  Le soir de la finale, j'étais à Paris. Nous nous étions installés dans un café. Je me souviens d'une tension incroyable. On jouait plus que du football, on jouait pour quelque chose qui allait tous nous marquer, comme le pays, la fierté et la joie d'être Français", a-t-il expliqué à l'AFP.

Aujourd'hui au plus haut poste de l'Etat, Emmanuel Macron n'a pas perdu sa passion pour le football, mais il a appris à l'utiliser à des fins politiques. Comme Jacques Chirac, Nicolas Sarkozy et François Hollande avant lui, il se sert de cette tribune pour délivrer des messages qui vont plus loin que la seule qualité de jeu de l'équipe de France. "C'est un amplificateur qui permet aussi de mettre en avant les valeurs du sport, de se les approprier", indique Carole Gomez. "Fondamentalement, ils procèdent tous d'une façon assez similaire pour utiliser le football et le sport comme un outil politique. C'est dans les thématiques que nos présidents choissisent d'aborder grâce à lui qu'ils se démarquent. Certains s'en servent pour parler de formation, d'autres de la force du collectif, d'autres encore de football féminin... La mise en lumière de ces thèmes constitue un message à part entière", analyse-t-elle.

De son côté, Emmanuel Macron a donné une injonction claire à l'équipe de France : ramener une deuxième étoile de Russie. "La France gagne quand elle est unie", a-t-il estimé lors de sa visite à Clairefontaine, rapporte France Culture. Une façon à peine masquée de parler de politique, selon la radio, pour qui le président verrait dans l'équipe de France un "laboratoire et un miroir pour la France de 2018". Ou au moins l'occasion de "faire nation" le temps d'un mondial.