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Dans "Le stage est fini", Françoise Fressoz revient notamment sur les difficultés de François Hollande à revêtir l'habit de président et à s'imposer auprès de son équipe, mais aussi sur les erreurs qu'il a commises, dont certaines ont été "fondamentales". Interview de l'auteure.

Planet : Pourquoi avoir titré votre livre sur le ‘stage’ du président ?Françoise Fressoz*: "Parce que l'amateurisme a dominé les premiers mois du quinquennat de François Hollande. Certes, tous les nouveaux élus ont besoin d’un peu de temps pour prendre leurs marques mais là le cafouillage a été terrible . C’est comme s’il n’y avait pas de pilote  Souvenez vous : les interventions intempestives des ministres qui se contredisaient, le manque d'autorité du premier ministre, le tweet de Valérie Trierweiler, le message lénifiant de François Hollande sur la croissance qui allait revenir alors que le pays traversait une profonde crise économique . On était à la limite de la tragicomédie.

Planet : La faute à qui, selon vous ?Françoise Fressoz : François Hollande s'est trompé de posture. Candidat, il avait axé sa campagne sur l'anti-sarkozysme en mettant en avant la figure du 'président normal' accompagnant une France 'qui n’était pas le problème mais la solution' Une fois élu, il a voulu prolonger l'illusion du redressement tranquille : surtout ne pas affoler, ne pas brusquer. Or dès l’été 2012, les Français ont compris que le pays allait très mal, que la croissance ne reviendrait pas d’un coup de baguette magique, que les plans sociaux s'accumulaient, que la courbe du chômage poursuivrait sa montée. Le président qui était sensé les rassurer est alors devenu à leurs yeux très très inquiétant.

Planet : Son entourage est-il aussi responsable ?Françoise Fressoz : La gauche n'avait pas gouverné depuis 2002, d'où un certain nombre de postures très contestataires comme celle d'Arnaud Montebourg, personnage à la fois talentueux et totalement ingérable. Entre 2002 et 2012, l’unité du parti socialiste a été constamment mise à mal. Après chaque défaite présidentielle, le parti risquait d’éclater. François Hollande, en tant que premier secrétaire, a maintenu l’unité. Il en a fait sa mission prioritaire mais au prix de synthèses molles qui n’avait pas grand sens car en réalité la gauche avait de profonds désaccords. On s’en est très vite aperçu au début du quinquennat  sur la question européenne et même sur la question fiscale: les ministres n’étaient pas d’accord entre eux et François Hollande a perdu de l’autorité en tentant de raccommoder  les contraires. L’épisode de Florange a été dramatique pour lui: il a tellement craint de perdre Arnaud Montebourg qu’il a laissé son ministre du Redressement productif insulter le Premier ministre !

Puis est venue l’affaire Léonarda  qui a engendré une très forte tension entre Manuel Valls et Jean-Marc Ayrault. Pour éviter la démission de l'un ou l'autre, il a lui même annoncé une décision complètement bancale qui a été aussitôt contestée par la jeune Kosovar devant des millions de téléspectateurs.  De telles scènes abîment terriblement l’autorité présidentielle d'autant qu'au même moment  un complot s’est fomenté au sein même du gouvernement: pour l'obliger à changer de Premier ministre: Manuel Valls et Arnaud Montebourg, qui n’étaient pourtant d’accord sur rien, ont scellé une alliance pour se débarrasser de Jean-Marc Ayrault.  

Planet : Manuel Valls à Matignon est il  un atout pour François Hollande ? Françoise Fressoz : Son cas est intéressant: Manuel Valls s’est imposé à François Hollande parce qu'il est devenu l'homme le plus populaire du gouvernement en développant une posture d'autorité qui manquait cruellement au chef de l'Etat. Lorsque François Hollande s'est résolu à le nommer, il ne l'a pas bridé. Il lui a dit " fais du Valls" et le fait est  que le couple fonctionne parce qu'il est complémentaire. Peu à peu, les ministres ont fini par entrer dans le rang mais il a fallu pour cela que Manuel Valls sacrifie son ancien complice Arnaud Montebourg devenu trop turbulent. Et au passage il a rétréci la majorité en perdant les Verts.

Planet : Que retenez-vous de positif dans l’action de François Hollande ?Françoise Fressoz : Tout n’est pas noir, heureusement. Si l’on prend l’exemple du Mali, François Hollande a décidé extrêmement rapidement et sans trembler sans doute parce que sur la politique extérieure, il n’a pas l'inhibition de l’ancien premier secrétaire du PS, il se sent libre. La façon dont il a géré les évènements tragiques du mois de janvier 2015 est également exemplaire. Pas une fausse note alors que le pays était sous le choc, effaré par la barbarie des auteurs des attentats commis contre Charlie Hebdo et contre l’Hyper cacher de la porte de Vincennes. C’est à ce moment-là que le stage a vraiment pris fin et que François Hollande a revêtu l’habit présidentiel. Il a trouvé les mots justes et su communier avec le peuple lors de cette gigantesque manifestation du 11 janvier où il a pris la tête du cortège, entouré de 44 dirigeants venus des quatre coins du monde. Moment magique.

Hélas, le soufflé est vite retombé parce qu'il n’a pas su ni voulu prolonger le sursaut national. Il n’a pas appelé à de grandes réformes, il n’a pas invité les forces vives à travailler sur tout ce qui menace l’unité républicaine: le racisme, l’antisémitisme. C’est tout le paradoxe: François Hollande porte une ambition pour la France,  il a pris des décisions utiles au pays comme les allègements des charges qu’il n’avait pas annoncés pendant la campagne et qu’il a imposés à sa majorité mais à aucun moment il n’a su porter le message du redressement ni se positionner comme le guide qui éclaire le chemin. Son cas est d’autant plus troublant qu’il vient après celui de Nicolas Sarkozy qui lui se voulait  hyper président. Chacun a échoué avec une méthode diamétralement opposée.

*Françoise Fressoz est l’auteure de Le stage est fini (éd. Albin Michel)