Couverture du livre "Dans les entrailles du pouvoir" (ed. Du Moment)abacapress
Après avoir travaillé de 2002 à 2010 au sein de différents cabinets ministériels, Stéphanie Von Euw a récemment publié Dans les entrailles du pouvoir, la face cachée des cabinets ministériels. Un livre dans lequel celle qui est aujourd'hui élue UMP locale présente "la République comme vous ne l'avez jamais vue". Interview de l'auteure.

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Planet : Après avoir travaillé huit ans dans les plus hautes sphères de l’Etat, pourquoi avez-vous voulu écrire ce livre ?Stéphanie Von Euw : "Après avoir pris conscience de la chance que j’ai eue d’avoir une telle expérience professionnelle, j’ai eu envie de la partager. C’est un univers très fermé et peu connu qui m’a permis de vivre des choses palpitantes comme la visite d’un piscine nucléaire, le survol de la Défense en hélicoptère ou encore la visite du porte-avion Charles de Gaulle.  Aussi, j’ai voulu la raconter et montrer qu’au-delà de toute cette adrénaline, la culture du résultat manque à cet univers.  

Planet : Que voulez-vous dire ? Stéphanie Von Euw : Quand on travaille dans un cabinet ministériel, on a souvent l’impression d’avoir fait beaucoup de choses car les journées sont longues. Mais quand on s’arrête et que l’on fait une sorte d’arrêt sur image, on se rend compte que l’on a finalement pas accompli grand-chose ! Il y a beaucoup de discussions et de gesticulations, mais au final la production est souvent assez limitée.

Planet : A un moment du livre, l’épouse de Paul lui dit que "si les Français savaient comment se compose le gouvernement, ils hallucineraient". C’est-à-dire ?Stéphanie Von Euw : Il y a un énorme décalage entre ce que les gens imaginent et la réalité. Alors que les ministères sont censés être à un très haut niveau du pouvoir français, les gens s’attendent certainement à ce que tout y soit organisé d’une main de maître. Or, c’est tout l’inverse. Les conditions des nominations sont complètement artisanales. Quand dans mon livre je prends l’exemple de cet homme qui a failli être nommé ministre de l’Environnement et qui a vu le poste lui passer sous le nez une demi-heure avant l’annonce officielle parce qu’on a découvert qu’il était chasseur, c’est vrai ! Il y a même souvent eu des gens qui ont été appelés pour être ministres et qui ont finalement appris qu’on se passerait d’eux au moment de l’annonce de la liste officielle…

Planet : Cette méthode ‘artisanale’ a –t-elle ensuite des conséquences sur la manière qu’ont les ministres et leurs membres de cabinet de travailler ?Stéphanie Von Euw : Oui, absolument. Quand une personne est nommée en charge d’un ministère, on est en droit d’attendre d’elle qu’elle connaisse bien son domaine et qu’elle en maîtrise les enjeux. Or, au vue du mode de nomination qui existe, les ministres n’ont bien souvent pas les compétences requises. La preuve : l’exécutif peut envisager de mettre une même personne en charge de deux ministères totalement opposés. Et même quand les ministres ont les compétences requises, les nominations se décident tellement rapidement, les équipes sont formées tellement vite, qu’ils sont bien souvent pris de court. Tout comme les membres de leur cabinet, ils se retrouvent alors à des postes clé pour lesquels ils n’ont quasiment rien eu le temps de préparer.  

Planet : Vous écrivez également que les membres des cabinets ministériels "mettent leur vie entre parenthèse". Personnellement, comment l’avez-vous vécu ?Stéphanie Von Euw : Et bien, j’ai divorcé ! Le rythme qui m’était imposé était très intense. Je travaillais 7 jours sur 7 de 8 heures à 22 heures. Je devais par ailleurs être mobilisable à tout moment pour une potentielle mission. Heureusement pour moi, l’adrénaline compensait toutes ces heures et me permettait de m’épanouir mais ce n’était pas le cas de tous mes collègues. Certains ont vraiment été malheureux.

Planet : Et quand tout s’est arrêté, qu’avez-vous ressenti ?Stéphanie Von Euw : Un grand vide ! Il est beaucoup plus difficile de sortir de cet univers que d’y rentrer ! Pendant toute la durée de votre mission, vous vivez en vase close avec vos collègues qui, par la force des choses, deviennent un peu comme une seconde famille. Et puis il y a aussi, et encore, cette fameuse adrénaline qui vous donne l’impression de vivre sur une autre planète. Du coup, quand ensuite vous essayez de travailler ailleurs, dans l’administration et même dans le privé, tout vous semble beaucoup moins excitant".