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Pour Olivier Bertaux, fiscaliste, ce collectif budgétaire voté en juin ne corrige aucune des mesures qui accablent la classe moyenne, perdante sur toute la ligne. 

© abacapress- Quelles sont les nouveautés fiscales du collectif budgétaire ?Olivier Bertaux : Elles sont rares. On assiste simplement à un rétropédalage du gouvernement consistant à amender la loi de finances 2014 avant même qu'elle soit entrée en vigueur, afin d'alléger un peu la facture fiscale des ménages modestes.

- L'avantage est-il substantiel pour les ménages modestes ?OB :  Une chose est certaine, l'avantage est nul pour les ménages les plus modestes puisqu’avant même ce dernier collectif, près de la moitié d’entre eux était déjà en dehors de l'impôt sur le revenu. Une réduction d'impôt est sans effet sur les foyers les plus pauvres qui étaient déjà exonérés d'impôt.

- Alors, qui en profite ?OB :  Les seuls bénéficiaires seront donc les contribuables qui devaient entrer dans l'impôt sur le revenu cette année avec le dernier train de mesures votées en 2013 et qui, par l'effet du collectif, vont finalement y échapper. Concrètement, le dispositif vise les foyers dont le revenu est inférieur à 14 145 euros pour la première part de quotient familial ou 28 290 euros pour les couples soumis à imposition commune. Ces limites sont majorées de 3 536 euros pour chaque demi-part suivante. Les personnes seules bénéficieront d'une réduction d'impôt de 350 euros maximum et les couples d'une réduction de 700 euros avec un mécanisme de lissage pour éviter les effets de seuil.

- Quelle est la conséquence pratique de ces dispositions ?OB :  En pratique, cela signifie que ceux qui sont devenus imposables cette année dans les fameuses limites de 350 ou 700 euros voient leur impôt supprimé. Quant à ceux qui payaient peu d'impôt et devaient en payer beaucoup d'un seul coup, leur imposition va redescendre à l'ancien niveau. Bref, c'est un coup pour rien et on peut se demander si ce n'est pas tout simplement un constat d'échec pour le gouvernement, obligé de revenir en arrière, sans vraiment améliorer la situation des gens et en se contentant de gommer les excès les plus flagrants de la fiscalité, sans reconnaître qu'ils en étaient les uniques responsables !

- Comment la réduction d'impôt dont profitent ces ménages sera-t-elle financée l'année prochaine ?OB :  C'est une bonne question car pour 2014, le gouvernement admet qu'il finance la mesure grâce aux sommes et pénalités payées par les repentis fiscaux. Or, c'est une ressource à un seul coup et il faudra bien trouver une autre source de financement les années suivantes pour rendre la réduction d'impôt sur le revenu vraiment pérenne... La contribution exceptionnelle sur l'impôt sur les sociétés qui vient d'être prolongée en même temps que l'on accordait la réduction d'impôt en est peut-être un premier exemple...

- Quel est le bilan pour les classes moyennes ?OB :  Pour les classes moyennes, le bilan reste catastrophique. Plafonnement des effets du quotient familial, fiscalisation des contributions patronales aux complémentaires santé, imposition de la majoration familiale de 10 % sur les retraites : toutes ces mesures coûtent très cher dès que l'on est un contribuable moyen. 

- Peut-on évaluer le montant du malus que devra acquitter un ménage moyen après les différentes restrictions annoncées cette année ?OB :  Un couple avec deux enfants qui subit le plafonnement du quotient familial paiera 1 000 euros d'impôt en plus. Si son employeur verse en outre une contribution de 1 000 euros par an à sa complémentaire santé, cela fera encore au moins 300 euros de plus, soit 1 300 euros au total.

- Quelles sont les niches fiscales toujours en activité ?OB :  Il y en a toujours autant mais elles sont de plus en plus plafonnées et de plus en plus complexes. Il faudrait plutôt simplifier les règles et alléger les taux pour rendre les niches inutiles...

- Quelles sont les nouveautés à attendre du collectif sur le financement de la sécurité sociale ?OB :  Sur ce point, les nouvelles sont meilleures. Un salarié dont la rémunération ne dépasse pas 1,3 SMIC pourrait voir ses cotisations sérieusement diminuer à partir de 2015, l'allègement pouvant atteindre 520 euros par an pour un salarié au SMIC. Les employeurs en profiteront eux aussi, car il est prévu aussi la suppression des cotisations patronales de sécurité sociale pour les salariés rémunérés au SMIC. Pour 2016, il est en outre attendu une diminution de 1,8 point des cotisations patronales d'allocations familiales pour les salaires inférieurs à 1,6 SMIC. Bien entendu, toutes ces mesures conduiront à un aménagement de la "réduction Fillon" déjà existante. Reste à savoir, toutefois, comment de telles baisses de cotisations pourraient ne pas avoir d'impact sur le niveau des prestations...

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