Affaire DSK : quelles stratégies en vue du procès ?maxppp
Lors de sa comparution lundi 6 juin devant le juge à New York, Dominique Strauss-Kahn a confirmé ce que tout le monde pensait déjà savoir : il plaide non coupable pour toutes les accusations portées par la jeune femme de ménage du Sofitel. Quelles stratégies s'ouvrent désormais à lui ? A la plaignante ? Au procureur ? Quels sont les faits qui plaident en sa faveur ? Et en sa défaveur ? Le point par Planet.fr
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Dominique Strauss-Kahn plaide non coupable

Officiellement inculpé des chefs d'accusation d'acte sexuel criminel au premier degré, de tentative de viol au premier degré, d'agression sexuelle au premier degré, d'emprisonnement illégal au second degré, d'attouchements non consentis et d'agression sexuelle au troisième degré, Dominique Strauss-Kahn a décidé ce lundi 6 juin de plaider non coupable pour toutes ces accusations.

Le suite de l'affaire DSK passera donc désormais inévitablement par la case procès. La prochaine comparution de l'ancien patron du FMI est prévue pour le 18 juillet à 14h.

Les stratégies possibles des avocats de DSK

Désormais certains d'aller jusqu'au procès, sauf si leur client décide tout à coup de plaider coupable et d'entamer des négociations avec le procureur, Benjamin Brafman et William Taylor, les avocats de DSK, doivent choisir la stratégie qu'ils emploieront pour tenter de faire acquitter leur client.

Pour le moment, plusieurs tactiques s'offrent à eux. N'oublions pas qu'il suffit qu'un seul des 12 jurés ne soit pas convaincu de sa culpabilité "au delà du doute raisonnable" pour faire libérer Dominique Strauss- Kahn. Toutes les stratégies sont donc à envisager. D'autant plus que contrairement à nombre de ses collègues, Benjamin Brafman ne cherche pas à éviter les procès devant les tribunaux, où il est reconnu pour être très brillant et décrocher des acquittements inattendus. Et c'est l'issue à laquelle il s'attend dans l'affaire DSK.

- Première stratégie : plaider le rapport consenti

Cette stratégie est déjà en route. Dès le 17 mai, soit 3 jours seulement après les faits, les avocats de DSK ont déclaré que les rapports que son client aurait eu avec la jeune femme de ménage étaient consentis. Nafissatou Diallo dément dès le lendemain.

Mais les avocats ne comptent pas s'arrêter là et essayeront de convaincre le jury d'une relation d'un commun accord, qui se serait terminée sur une dispute ou un malentendu.

D'ailleurs, ses avocats rappelleront bien, au soutien de cette théorie, que le comportement de leur client après les supposés faits correspond plutôt à celui d'un homme qui a partagé une relation consentie : il déjeune tranquillement avec sa fille, il téléphone sans crainte à l'hôtel pour annoncer qu'il a oublié un téléphone.

Si un seul juré croit à la relation consensuelle, DSK ne sera pas jugé coupable.

- Deuxième stratégie : décrédibiliser la victime

Il semble que les avocats de DSK aient déjà lancé des opérations dans ce sens. Avant même d'avoir accès aux pièces à conviction détenues par le procureur, Benjamin Brafman et William Taylor ont engagé des dizaines de détectives privés, chargés de fouiller dans le passé de Nafissatou Diallo, la plaignante. Et rien ne lui sera épargné.

Si, lors de leurs investigations, les détectives découvrent des mensonges, ou des écarts, même très anciens, ils seront utilisés pour dresser un portrait de la jeune femme.

Les deux avocats ont déjà signalé qu'ils disposaient d'un témoignage très préjudiciable à la crédibilité de la plaignante. Sans n'avoir encore rien dévoilé, le but de cette annonce est avant tout de faire planer le doute sur la femme de ménage. Par exemple, prouver que la jeune femme envisage d'intenter un procès au civil pour recevoir des dommages et intérêts pourrait la présenter comme une menteuse intéressée uniquement par l'argent.

Par ailleurs, la décrédibilisation du témoin peut avoir lieu en plein procès également. Et Benjamin Brafman serait excellent en contre-interrogatoire. On dit même qu'il lui est arrivé de renverser la situation au point que le témoin lui-même s'accuse presque du crime. Le but : simplement faire croire au jury que le témoin ment ou n'est pas crédible. Ce n'est pas à lui de prouver l'innocence de son client, mais à l'accusation de prouver sa culpabilité.

- Troisième stratégie : jeter le discrédit sur les enquêteurs

Depuis le début, les avocats de Dominique Strauss-Kahn, très discrets de leurs côtés, ont accusé la police de New York de dévoiler des éléments de l'enquête "qui pourraient influencer des [potentiels] jurés abreuvés quotidiennement" par la presse.

Mais ces fuites permettent aujourd'hui aux deux avocats de mettre en doute l'équité des enquêteurs. Le discrédit jeté sur cette impartialité pourrait faire douter au moins l'un des jurés quant au sérieux des preuves récoltées.

- Quatrième stratégie : séduire le jury

Là encore, il semble que ce soit Benjamin Brafman qui ait les cartes en main pour jouer cette stratégie. En effet, le célèbre avocat américain a pour habitude de manipuler le jury en le charmant. Pour le New York Times, cet avocat "a un style auquel les jurés sont réceptifs. Il ne leur parle pas avec condescendance, il les respecte. Il fait toutes ces choses qui font en général qu'un jury vous aime bien".

Il n'hésite donc pas à plaisanter avec le jury, à blaguer sur son client ou sur lui-même. La stratégie peut sembler fragile, mais n'oublions pas qu'un seul juré charmé peut suffire à sauver DSK.

- Cinquième stratégie : plaider coupable

Il semble aujourd'hui très clair que cette stratégie n'est pour le moment pas envisagée, et qu'elle constituerait le dernier recours...

Mais il faut savoir que DSK pourrait décider de l'employer à n'importe quel moment jusqu'au procès. Il devrait alors plaider coupable des faits les plus mineurs, évacuant ainsi par exemple la tentative de viol. Il pourrait alors voir la peine qu'il risque actuellement (74 ans) réduite à 5 ans.

S'il devait choisir cette option, il devrait par ailleurs offrir des dommages et intérêts conséquents à Nafissatou Diallo, la victime.

Aux Etats-Unis, la très grande majorité des affaires se terminent par une procédure de plaider coupable.

La stratégie de la plaignante

Nafissatou Diallo, la présumée victime, a dès le début bénéficié de la présence de Jeffrey Shapiro, avocat spécialisé dans les erreurs médicales.

Face à un procès qui va s'annoncer long et certainement complexe, deux nouveaux avocats viennent d'intégrer l'équipe de la plaignante. Le but : renforcer l'équipe qui la représente au civil. La famille de Nafissatou Diallo s'est d'ailleurs entretenue avec eux afin de juger de l'intérêt d'une action en dommages et intérets qui pourrait rapporter des millions de dollars. Le délai pour intenter cette action est d'un an après les faits. Mais l'ouverture rapide d'une telle procédure nuirait considérablement à sa crédibilité au procès pénal.

Kenneth Thompson : ce nouvel avocat est un ancien procureur. Il est réputé pour ses succès dans le domaine du harcèlement sexuel. La présence de cet avocat spécialiste apportera un plus solide soutien aux déclarations de la jeune femme.

Norman Siegel : cet avocat est une figure de la lutte pour les droits civiques. Les observateurs voient là le signe que le futur procès pourrait comporter des aspects plus politiques.

La stratégie du procureur

Le procureur Cyrus Vance Jr. a de son côté fait appel à deux renforts réputés pour les affaires de viols et d'agressions sexuelles : Joan Illuzzi-Orbon et Ann Prunty. Ces deux femmes sont connues pour leurs nombreuses victoires judiciaires.

Les deux nouvelles adjointes du procureur viendront donc l'appuyer de leur expertise. Rappelons que Cyrus Vance Jr. a tout intérêt à gagner ce procès au retentissement médiatique international s'il souhaite être réélu au poste de procureur de New York en novembre 2012.

Affaire DSK : ce qui plaide pour ou contre lui

Ce qui plaide en faveur de Dominique Strauss-Kahn :

- Quelques rares indices qui peuvent prouver l'existence d'une relation consentie : la plaignante pouvait difficilement ignorer qui était Dominique Strauss-Kahn, puisque sa photo aurait été affichée dans le local des femmes de ménages du Sofitel. Par ailleurs, elle se serait portée volontaire pour effectuer le ménage du 28e étage ce jour-là, étage où se trouvait la suite de DSK.

- Une défaillance de la victime : c'est la plus grande peur du procureur car toute l'affaire DSK repose sur la jeune Nafissatou Diallo. Si la défense de Dominique Strauss-Kahn n'a pas le droit de la rencontrer pour ne pas faire pression sur elle, elle peut néanmoins l'intimider par médias interposés. Il en va ainsi lorsque les avocats de la défense affirment avoir de quoi la décrédibiliser, et avoir la certitude que "les accusations vont se révéler fausses". Si la plaignante se rétracte, ou ne semble plus crédible, le procureur devra négocier avec la défense...

Ce qui plaide contre Dominique Strauss-Kahn :

- La plaignante semble irréprochable : elle a témoigné sous serment devant le Grand Jury, cette femme élève seule sa jeune fille dans un appartement délabré du Bronx, le directeur de l'hôtel s'est porté garant de ses qualités morales... Une femme modeste qui paraîtra certainement très sympathique au jury. Alors que DSK doit vivre dans sa résidence de luxe à 35 000 euros par mois.

- Le procureur : il a l'air particulièrement décidé à condamner Dominique Strauss-Kahn, ce qui laisserait entendre qu'il dispose de preuves suffisantes, sinon, il n'aurait même pas entamé la procédure. En vue de sa prochaine réélection en novembre 2012, c'est sa réputation qu'il met en jeu. Il sera donc prêt à tout pour aller jusqu'au bout.